Le vrai voyageur n'a pas de plan établi et n'a pas l'intention d'arriver...

10.4.11

« c'est l'esprit qui danse. Le corps suit. »

 Mars, en résumé ? 
Les bébés japonais boivent l'eau à la bouteille, le soldat syrien décanille, Kadhafi change de chemise et les populations occidentales bouffent de l'info. Un subtil hasard a mis sur ma route un odieux polygone et un texte de Gunther Anders...

Mais arrive avril, la vie réclame un Temps mort.

« C'est chaud l'actualité ». On ne sait plus trop où donner de la tête et le monde de la finance a toujours les mêmes problèmes: Christine se ronge les mains, en public.

Tous ces ministres de finances, qui la dévorent des yeux, comme des corps désirants. Que veulent-ils ? Percer le secret de sa technique de grignotage ou avoir leur part de peaux mortes ? 

On ne sait pas trop.


Ils la regardent avec envie, tels les spectateurs que nous étions le 20.03, lorsque Louise Lecavalier, balistique-danseuse-chorégraphe, s'est arrêtée la première fois et, encore envahie par la tension d'un effort physique contrôlé, s'est approchée de nous. Même immobile, on pouvait la sentir vibrer.


[Ce dimanche là, en dépit de tous ces lits à portée de main,
6 h de sommeil manquaient à l'appel]

Une femme a traversé le jardin du théâtre de la ville, et ma nuque a gagné 5 centimètres. LA DANSE s'incarnait.


[Ce qui en novlang de petite feuille donnait:
"La meuf m'a fait un petit truc"] 
 
Un premier trajet fait d'hésitations, Louise lecavalier, "la meuf", marquant le pas, un imperceptible instant, repartant, droit vers le bord de la scène, cette falaise. A un moment donné, elle atteint un mur infranchissable, s'arrête
[& dejà qu'on n'en menait pas large 
et qu'on avait mal au ventre de la voir s'envoler]

Elle regarde le public.

Elle contemple ceux qui la regardent, ces centaines de personnes assises dans leurs corps en cage, une posture dont elle s'est toujours affranchie.

Tétanisée par ce déplacement si tranquille, j'ai le sentiment qu'elle va subitement se redéployer dans l'espace. Et puis, non, juste une première approche et la voilà, repartie vers la danse. 




D'autres contacts seront pris, pour se montrer à nous, dans l'immobilité, & non plus comme cette machine adepte de l'oscillation totale, du mouvement extrême qui ont fait sa renommée autrefois. 

Juste comme une danseuse vivante et respirante. 



Pour qu'on vérifie encore, dans cette contemplation statique, qu'elle est bien humaine, la même qu'avant, avec juste une nouvelle hanche et des jumelles sorties de son ventre.




Louise LeCavalier, 53 ans et toujours la folie glorieuse et pétillante des premiers jours, toujours capable de vriller à l'horizontale pour se jeter en douceur dans les bras de son partenaire, aussi à l'aise dans ses déplacements arachnéens que dans le maniement du bâton. 


L'ex-égérie d'Edward Lock pour La La La Human Step n'a jamais eu qu'un adage sur scène:

« c'est l'esprit qui danse. Le corps suit. »